mercredi 11 février 2009

Le salep



Orchis mascula ou militaris (Salep)


Le salep est à la fois le nom d'une orchidée et le nom d'une boisson issue de la même plante. 
La farine de salep obtenue après broyage des tubercules séchés, contient un amidon nutritif et sucré qui, après réhydratation, donnera sa texture si particulière au breuvage. 
La récolte de salep dépendant du cycle naturel de la plante, on ne peut se procurer la farine de salep que pendant la période hivernale. 
On consomme principalement le salep en Turquie, Iran, Géorgie et Arménie.


La fleur de salep


En turc dérivé du perse, "salep" signifie "testicules de renard", expression imagée due à l'aspect des bulbes de la plante, et propre à de nombreuses variétés d'orchidées puisque "orchis" en grec ancien désigne, à la fois l'orchidée et les mêmes parties de l'anatomie masculine. Le Moyen-Age proposera une version légèrement différente avec le surnom de "couillon de chien", "dogstones" en anglais...
Quelle que fut son appellation, ce type d'orchidée avait pour dénominateur commun entre toutes les époques et les civilisations d'avoir la réputation d'être aphrodisiaque et de "maintenir en forme" les messieurs. Déjà, les Romains les consommaient sous forme de boissons aux noms de "satyrion" ou "priapiscus", très évocateurs de leurs vertus.
A la fin du Moyen-Age, la popularité du salep s'étendait bien au-delà des frontières de la Turquie et du Moyen-Orient qu'on lui connaît actuellement.
Aux 17ème et 18ème siècles, avant l'engouement et la mode pour le café et le chocolat, le salep (boisson symbole de la mode orientaliste) était servi en Angleterre et en Allemagne. En Angleterre, connu sous le nom de "saloop", il était servi sucré et aromatisé à l'eau de fleur d'oranger ou de rose.






Dans son Grand Dictionnaire de Cuisine de 1873, Alexandre Dumas décrit l'histoire et le mode de préparation du salep par les orientaux de l'époque: << Ce nom, d'origine persane, a été donné aux bulbes desséchés des orchis qui croissent en abondance dans la Perse et dans toute l'Asie Mineure. Les anciens connaissaient très bien ces bulbes, et Pline et Théophraste en font mention dans leurs écrits. Les Grecs et les Latins les connaissaient surtout pour leurs propriétés aphrodisiaques, qui ne sont dues cependant qu'aux différents aromates qu'on leur associe tels que le gingembre, l'ambre, le musc, le girofle, etc. Un homme, paraît-il, est suffisamment nourri pendant un jour avec une once de cette substance et autant de gelée animale dissoute dans l'eau, aussi les orientaux s'approvisionnent-ils de salep pour leurs voyages. 
Pour préparer le salep, les orientaux récoltent la bulbe des orchis lorsqu'ils commencent à fleurir; ils en ôtent l'écorce et les jettent dans l'eau froide où ils les laissent quelques heures ; ils les font ensuite cuire dans l'eau bouillante et les enfilent avec du crin ou mieux du coton, puis il les font sécher au contact de l'air; les bulbes deviennent demi-transparentes, très dures et ressemblent assez à de la gomme adragante; on peut les conserver indéfiniment sans altération, pourvu que l'on évite l'humidité. Quelquefois, au lieu de les enfiler, on les sèche sur des tamis et des toiles. Quand on veut en faire des gelées on les réduit en poudre en les humectant préalablement d'un peu d'eau, sans cela leur extrême dureté n'en permettrait pas la pulvérisation; on en fait dissoudre une petite quantité dans l'eau bouillante, qui, aromatisée et sucrée, ne tarde pas, par le refroidissement, à se prendre en une gelée demi-transparente. >>





Aujourd'hui, on trouve surtout le salep en préparation aromatisée instantanée en poudre, conditionnée en sachet, ce qui permet d'en consommer toute l'année. L'orchidée étant devenue une espèce protégée, le recours à l'aromatisation se justifie également d'un point de vue écologique et économique car le salep véritable peut atteindre plusieurs centaines d'euros le kilo et est interdit d'exportation hors des frontières turques.



Traditionnellement une pincée de farine de salep était diluée dans une tasse d'eau ou de lait chaud, puis sucrée et additionnée de cannelle ou de gingembre.
Sa couleur blanchâtre, sa texture onctueuse légèrement gélatineuse et ses parfums enivrants d'orchidée, de cannelle et parfois de vanille sont caractéristiques.




En Turquie orientale, depuis plus de 300 ans, on fabrique aussi des glaces au lait de brebis et au salep, appelées "salepi dondurma". 
Cette spécialité est traditionnelle de la ville de Maras située sur le versant sud des montagnes enneigées de l'Anti-Taurus, région d'élevage de chèvres et de brebis où poussent de nombreuses variétés d'orchidées. Les premières glaces au salep étaient visiblement confectionnées à partir de la boisson figée avec de la neige des montagnes. Aujourd'hui, les machines à fabriquer le salepi dondurma sont les machines à gelati italiennes importées. 
En revanche, ce qui n'a pas changé depuis des siècles, c'est la manière traditionnelle de déguster cette glace à la consistance très élastique: au couteau et à la fourchette!



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