goûter le monde: Pâtissier de rêve

La Pâtisserie des rêves de Philippe Conticini

La Pâtisserie des rêves de Philippe Conticini est un monde tout en raffinement et éclat: la devanture est toute de verre, les murs sont flanqués d'étagères aériennes et colorées dont chaque alvéole renferme une gourmandise ou une boîte à dessert, les pâtisseries sont exposées sous des cloches cristallines suspendues à de délicats filins d'acier.

A l'image des créations qu'elle abrite, tout y est mesuré, recherché et réfléchi.

Les pâtisseries proposées sont classiques (Moka, Paris-Brest, St Honoré, tarte au citron meringuée, éclairs...) et de facture assez sobre: le design est massif, les courbes sont dodues, les couleurs naturelles.

Tout pourrait paraître absolument parfait dans ce monde du meilleur, et pourtant, après quelques minutes passées à l'intérieur, un sentiment ne me quitte plus: les créations exposées sont en total décalage avec le décor ambiant, et face à ce contraste flagrant qui donne manifestement l'avantage aux notes acidulées et aux lignes géométriques de la boutique, mon attitude est plus que dubitative et mon appétit sérieusement diminué: les "bijoux" ont un peu de mal à rivaliser avec leur "écrin", le décor "mange" tout, et moi, je n'ai plus faim de rien...

Mais s'il y a un univers dans lequel les apparences sont trompeuses et les limites souvent repoussées, c'est bien celui de Philippe Conticini.

Personnage débordant, perfectionniste insatiable, généreux excessif, créateur boulimique, interlocuteur dévorant...; j'avais d'abord eu la chance de voir et d'entendre Philippe Conticini avant d'avoir celle de goûter ses pâtisseries, et mon intuition me disait que "l'animal Conticini" ne pouvait pas "simplement" me laisser planter là, face à ses gros gâteaux crémeux et joufflus...

Alors je me lance, je chasse tout a priori, et j'achète le plus ostensiblement gourmand de tous: le St Honoré pour 6 personnes!

Et c'est parti pour une course contre la montre et un parcours du combattant entre la pâtisserie parisienne et ma cuisine de Strasbourg, quelques 400 km et presque 3h plus tard...

Le St Honoré

A l'arrivée, je me précipite sur la boîte de carton rose qui renferme mon trésor: première bonne surprise, le St Honoré est impeccable! Les choux sont toujours aussi rebondis, le caramel toujours brillant et cassant, les volutes de crème aussi saillantes qu'en boutique.

Vient alors l'instant de vérité; coupant délicatement la première part, le gâteau livre ses secrets: à l'intérieur, je découvre non pas une simple superposition de couches de pâte et de crème, mais une architecture idéale aux fondations de feuilletage croustillant, comprenant un réseau d'artères en pâte à choux caramélisées et de canaux de crème pâtissière vanillée, le tout surmonté d'un ciel de crème mousseuse cerné par deux murailles de gros choux fourrés et croquants.

Les créations de Conticini sont pensées sur le modèle des meubles à compartiments secrets ou des poupées gigognes, qu'il faut les ouvrir pour découvrir tout ce qu'ils renferment...

Et la boutique n'en était pas l'écrin, elle n'en était que la vitrine et le support, car chez Conticini, l'écrin et le bijou se confondent.

C'est alors que tout s'explique: pas de fioritures, pas d'esbroufe, le choix de la sobriété pour que rien ne vienne focaliser l'attention sur l'apparence et perturber la concentration sur les autres sens: le son à la découpe des différentes strates, la résistance des textures sous la lame, la rencontre des parfums au moment du partage, et finalement, la découverte de la secrète architecture intérieure.

Ce pâtissier hors norme, qui parle de gourmandise les yeux écarquillés, la voix saccadée et le souffle court, qui entame un gâteau comme un enfant ouvre un cadeau, impatient, exalté et fébrile, qui prône la plénitude comme but à atteindre sans concession et sans attendre, a réussi le tour de force de créer le bonheur à rebondissement et en différé!

Se délectant par avance de l'effet qu'il va produire, se régalant déjà de l'idée de nous régaler, il nous offre, avec élégance, une explosion de plaisirs à retardement!

Chapeau bas Monsieur Conticini.