Churros ou chichis
En cette période carnavalesque, les fritures de tout calibre et de tout profil sont de sortie. Parmi elles, les plus allongées et étoilées de toutes: les churros.
Originaires d'Espagne et plus particulièrement d'Andalousie, ces beignets dont la pâte est traditionnellement à base de fécule de pomme de terre, se retrouvent dans toute la péninsule ibérique, mais aussi en Amérique latine, fief d'origine du tubercule.
S'il a longtemps répondu à des noms différents selon les villes andalouses qui le produisaient -Calentitos de patatas à Séville, tejeringos à Grenade, tallos à Jaén...-, le terme churro qualifie désormais ce long beignet frit, dans le monde entier.
Malgré tout, la composition de sa pâte, sa forme restée fidèle à l'originale et sa technique de fabrication relativement constante, témoignent encore incontestablement de ses ascendances.
Ce long ruban de pâte frite et dorée auquel on donne parfois la forme courbe des arabesques, recouvert de sucre après cuisson puis disposé en rosace et présenté sur de grands plateaux d'argent, fait immédiatement penser aux pâtisseries traditionnelles orientales auxquelles la pâtisserie espagnole doit beaucoup.
Les huit siècles de présence musulmane dans le sud de l'Espagne (711-1492) ont diffusé leur raffinement esthétique et gastronomique jusque dans le design de ce simple beignet.
Son profil d'étoile d'Andalousie, étoile à 8 branches présente
dans les décors architecturaux de l'époque d'al Andalus (الأندلس)
ne laisse aucune ambiguïté sur ses origines.
De plus, l'utilisation dans sa préparation de la pomme de terre ("pomme du Nouveau Monde") découverte dans la Cordillère des Andes par les conquistadors espagnols, introduite en Espagne à la fin du XVIème siècle puis rapidement cultivée par les moines de Séville, confère au churro la qualité de véritable produit transculturel, né de la rencontre de la pomme de terre précolombienne et de la tradition pâtissière orientale sur le sol espagnol!
Toutefois, si le churro dans son ensemble est devenu un produit "standardisé", la manière de le déguster, elle, reste attachée aux coutumes locales: servi juste sucré dans la plupart des churrerias espagnoles ou sur les fêtes foraines, on le déguste trempé dans un chocolat chaud épais dans les cafés madrilènes. En Amérique latine, il est saupoudré de cannelle au Mexique et fourré de dulce de leche (confiture de lait) en Argentine et au Pérou.
Un bon churro doit être tout en contraste: dégusté brûlant, au sortir de la friture, il est doré et croustillant à l'extérieur mais resté moelleux à l'intérieur (la fécule de pomme de terre permet de garder un moelleux incomparable), la pâte, quant à elle, doit être relativement neutre pour épouser à merveille ses accompagnements sucrés ou épicés.
Enfin, il est bien évidemment indispensable de manger les churros avec les doigts: ce vétéran de la finger food et de la street food ne mérite pas d'ustensiles intermédiaires qui nuiraient au plaisir simple et spontané de sa dégustation. C'est d'ailleurs en cornet de papier que le chef Flora Mikula propose des churros de maïs en accompagnement d'un paleron laqué, preuve que de la cuisine de rue à la gastronomie, il n'y a qu'un pas!
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