Il fut un temps où les stars de cinéma n'étaient pas que des physiques aseptisés interchangeables, au discours marketé et consensuel, posant devant des murs de sponsors, mais des êtres de chair (bonne) et de sang (chaud) qui exhibaient fièrement leurs rondeurs insolentes.
Alors qu'aujourd'hui, les starlettes n'abordent le sujet alimentaire que par le biais de leurs "régimes" toujours plus extravagants, il n'était pas rare que les vedettes de l'époque publient leurs recettes de cuisine comme autant de secrets de beauté et d'affirmations de leur(s) forme(s).
C'est ainsi que j'ai retrouvé dans ma bibliothèque culinaire ce petit livre de recettes de Sophia Loren intitulé La cuisine à l'italienne, publié en 1971 chez Rizzoli Editore et traduit en français en 1972 chez Robert Laffond, dans lequel la belle italienne dévoile quelques uns de ses tours de mains (qu'elle avait de jolies d'ailleurs).
Sophia Loren posant pour la couverture
de son livre de recettes.
A la table -des matières-, entre les chapîtres "pâtes", "pizza" et "maïs", on découvre, comme entrelardées, des pages de commentaires très personnels offertes à la ménagère friande d'anecdotes comme "L'oeil aussi doit être de la fête", ou encore le délicieux chapître intitulé "Mon mari est une paupiette", dans lequel l'actrice nous apprend qu'elle a l'habitude de surnommer ses proches du noms de plats ou d'aliments qu'elle affectionne; son mari Carlo Ponti répondant ainsi au doux surnom de "Paupiette"... et de préciser: +Si nous nous rencontrons un jour dans une cuisine, dans une soirée au coude à coude ou encore sur un plateau de tournage et que je vous appelle soudain "pomme frite" ou "jambon" ou "dinde farcie", sachez que vous m'avez été immédiatement sympathique+.
Nous sommes donc prévenus...
Parmi les nombreuses recettes familiales traditionnelles italiennes que contient l'ouvrage, j'ai recueilli quelques pépites culinaires que je recopie à l'identique, telles que Sophia Loren les a livré il y a 40 ans:
- La mayonnaise d'aubergines
- Croûtons napolitains
- Spaghetti au laurier
- Risotto à la milanaise
- Lapin à la napolitaine
- Chou-fleur à l'ancienne
- Pétales de magnolia en beignets
La mayonnaise d'aubergines
Faites rôtir quelques belles aubergines sur la plaque du four, sans les éplucher. Il vous en faut 1 kilo pour 6 personnes. Quand elles sont bien grillées et que la peau se détache, sortez-les du four et ôtez toute la chair que vous laisserez refroidir. Pendant ce temps, préparez: 2 oeufs durs, 2 ou 3 petites cuillerées de jus d'oignon (ou d'oignon finement haché). Mélangez le tout à la chair des aubergines en travaillant avec soin pour obtenir une pâte homogène.
Préparez également de la mayonnaise (ou bien, utilisez de la mayonnaise en tube); mélangez-en une bonne tasse aux aubergines en tournant vigoureusement et gardez cette préparation au frais.
Servez-vous de cette crème pour tartiner des croûtons frits ou pour accompagner de la viande froide, du poisson ou des oeufs durs.
Croûtons napolitains
Préparez 12 tranches de pain (pour 6 personnes) d'environ 10 centimètres de côté. Sur chaque tranche, disposez: une tranche de mozzarella, un ou deux filets d'anchois, selon votre goût, des petits morceaux ou bien une tranche entière de tomate crue, arrosez d'origan, poivre et sel.
Mettez ces croûtons dans un plat à gratin beurré et passez au four très chaud pendant une dizaine de minutes. Servez aussitôt.
Spaghetti au laurier
J'ai mangé ces spaghetti chez un ami qui voulait fêter mon Oscar pour "La Ciociara" en 1961. Au lieu de m'offrir une couronne de laurier, il trouva plus original de me la faire manger en sauce. J'avoue que je trouvais n'avoir pas perdu au change, et je lui demandais la recette que voici.
Pour 6 personnes, faites chauffer dans une poêle 4 cuillerées d'huile et une noix de beurre; puis ajouter un gros oignon (ou deux moyens) coupé en rondelles et faites revenir. Quand l'oignon a pris couleur, ajoutez 300 grammes de tomates pelées, une dizaine de feuilles de laurier, une pincée de sel, une pincée de poivre qui vient d'être moulu et une demi-petite cuillerée de cannelle. Laissez cuire 10 minutes pour que tous les arômes se mélangent. Vous obtenez une sauce insolite et pleine de brio qui servira à assaisonner 600 grammes de spaghetti.
Risotto à la milanaise
Le risotto à la milanaise est, pour moi, un des plats les plus précieux du monde. Il faut toutefois avoir quelques affinités avec le safran qui lui donne cette couleur dorée des loges de la Scala, et un certain goût exotique, légèrement épicé, mais équilibré par la saveur des autres ingrédients. Ce dont je ne me doutais pas, avant de connaître cette recette, c'est qu'il y avait autant d'avis divers et contradictoires, d'une maison à l'autre et d'un cuisinier à l'autre. Je n'imaginais pas non plus qu'autrefois on faisait cuire le risotto à la Scala même, dans les avant-loges qui servent aujourd'hui de vestiaires, et qu'on le mangeait en grande pompe à la fin de la représentation. (...)
Quoi qu'il en soit, voici la recette du meilleur risotto que j'ai jamais mangé, et que j'ai eu l'occasion de refaire souvent.
Faites frire dans une poêle 40 grammes de moelle de boeuf et 1 oignon finement haché avec 40 grammes de beurre. Lorsque l'oignon blondit, ajoutez le riz (600 grammes pour 6 à 8 personnes) et faites-le cuire presque comme si vous vouliez le faire griller. C'est là le secret du risotto: il ne doit pas être bouilli mais cuit tout doucement avec du bouillon que l'on ajoute peu à peu (1 litre en tout).
Quand, en cours de cuisson, le riz commence à se ramollir, ajoutez une pointe de safran. Nous voilà maintenant à la fin. Lorsque le riz est presque prêt ( comptez 12 à 14 minutes pour la cuisson), ajoutez, toujours sur le feu, du beurre frais et du parmesan râpé. Mélangez bien pour que le tout se fonde et se lie parfaitement et servez sans attendre.
Lapin à la napolitaine
Voici une des recettes de ma grand-mère maternelle. Là aussi, commencez par dépouiller, vider et couper le lapin en morceaux. Faites chauffer ensuite un peu d'huile dans une cocotte avec un peu de saindoux (le saindoux n'est pas indispensable, mais autrefois on en mettait toujours parce qu'il relève bien la sauce) et 2 ou 3 gousses d'ail légèrement écrasées. Quand l'ail roussit, retirez-le et mettez les morceaux de lapin, à peine farinés, dans la cocotte. Attendez qu'ils prennent couleur et mouillez-les avec du vin blanc. Quand le vin s'est évaporé, ajoutez des tomates coupées en morceaux (1 livre pour un lapin de grosseur moyenne, ou plus si vous préférez). Salez, saupoudrez de paprika ou, encore mieux, mettez 1/2 piment rouge qu'il ne faudra pas oublier d'ôter à la fin. Vous pouvez également ajouter quelques feuilles de basilic, ou bien mettre des olives noires dénoyautées et coupées en morceaux: choisissez entre ces deux condiments celui qui vous plaît le plus. Laissez maintenant la cuisson se terminer tranquillement.
Chou-fleur à l'ancienne
Faites bouillir dans de l'eau légèrement salée un beau chou-fleur d'1,5 kilo environ, et retirez-le un peu avant la fin de la cuisson. Détaillez-le en petits bouquets que vous mettrez ensuite dans une cocotte avec quelques cuillerées d'huile où vous aurez fait revenir 2 gousses d'ail. Ajoutez immédiatement 2 cuillerées de raisins secs, 2 cuillerées de pignons, 1 pincée de sel et de poivre. Au bout d'un moment lorsque la cuisson est presque terminée (environ 25 minutes en tout), ajoutez 1 poignée de persil haché.
Pétales de magnolia en beignets
Cette recette, qui vous paraîtra peut)être étrange, fait partie des tradition culinaires de la Renaissance. Ces beignets figurent encore, au cours des repas raffinés, dans certaines régions d'Italie et ils sont sublimes, je vous l'assure! La seule difficulté est de trouver les pétales. Dans ma maison de Marino, sur les collines de Rome, trois gigantesques magnolias gardent l'entrée principale et, les premiers soirs d'été, leur parfum délicat et subtil arrive jusque dans ma chambre. (...) Entre mes trois arbres, j'ai le choix et je sélectionne toujours les pétales les plus charnus et les plus tendres; une fois dans ma cuisine, je les prépare de la manière suivante:
Je commence par faire une pâte avec 100 grammes de farine, 2 blancs d'oeufs et 100 grammes de sucre; j'y trempe les pétales de façon à ce qu'ils soient bien recouverts, mais sans les laisser tomber dedans. Ensuite, je les fais frire dans un bain d'huile jusqu'à ce qu'ils soient bien dorés. Je les dépose sur un papier absorbant pour ôter l'excès d'huile et je les saupoudre de sucre.
Vos invités seront certainement surpris et charmés de ce dessert.
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